« 111 »

traduction de poèmes d’Arnold Schmidt extraits de « 111 » (* Traduits et publiés avec l’autorisation de © Privatstiftung – Künstler aus Gugging) *

(1)

Je suis tous les Arnolds, même Madame Arnold.

(2)

Être tout, consciemment, c’est être ce qu’on est.
Et c’est la conscience de l’autre de ne pas être
ce que la conscience n’est pas.

(19)

Poème
C’est beau, le premier jour de la vie.

(20)

Les intervalles me jouent des tours. Le 2e intervalle – perdu la pensée ; puis repensée.

(21)

Le béton m’est tombé dans la tête, le béton.

(31)

Gugging a 100 ans

Le premier jour à Gugging.
100 ans.
Centenaire aujourd’hui.
Gugging fête son anniversaire.
100 ans.
À Gugging, il y a de grandes peurs.
La folie des grandeurs du patient grandit de jour en jour.
Mais la vie continue, en chapeau melon et bottes de pluie.
Les tueurs à la ronde ne pensent qu’à tuer.
Égorger. Couteau planté dans la poitrine.
J’ai dormi dans mon lit, 100 ans.
La Belle au bois aussi, 1000 ans,
puis le prince l’a libérée.

Je passerai sans doute les 100 années suivantes dans un lit à barreaux. Premiers pas dans un parc de bébé, à barreaux.
Que veut dire Gugging ?

Gugging veut dire guérir.

(41)

Je suis complètement toqué, parce qu’une mouche m’est rentrée dans l’œil gauche, puis l’oreille gauche ; et puis elle a fini dans mon cerveau. Pour y faire naître la maladie.

(49)

Chers parents !
Sincères salutations de votre fils, Bruce. Je m’appelle Lee et je viens de Chine. Je suis maître de kung-fu, mon métier, c’est philosophe. Je veux être infirmier. Je viens d’Espagne. L’Espagne est une terre inconnue.

Je te salue
Bruce Lee

(65)

Garçon de courses
Porter des messages en courant, pour les infirmiers.
Puis redevenir patient, ce qu’on est vraiment.

(67)

La bière de la perle de l’aéroport de Vienne part en Australie.

(72)

Vous me prenez toutes les naissances que j’ai dans la tête, avec vos piqûres. Vous êtes des repoussoirs. Moi, je ne suis pas un repoussoir. Vous m’injectez la schizophrénie avec vos piqûres, et après vous dites que je suis schizophrène.
Vous me bombardez le crâne, la calotte crânienne, vous me la bombardez. À coup de piqûres vous m’enlevez toutes les naissances – vous voulez me prendre toutes les naissances. Vous êtes dégoûtants !

(105)

La nausée

la nausée de l’usé saute dans l’herbe, et l’herbe broute le gazon. Le gazon vole et gaze la tondeuse-à-usé du conducteur de la machine. L’usé recrée tout, crée au-delà du gazon de l’usé. Selon l’usage, c’est encore l’usé. Nous sautons au-dessus du gazon avec une machine.

(106)

L’hiver, l’été, l’automne, le printemps,
La neige, le soleil, la lune, l’oasis –
et quoi d’autre ?
Le ciel, l’horizon, les pierres,
Pierres de lune et poussière de lune.
Mars, la station lunaire –
et quoi d’autre ?
Pluton, l’âme, le corps,
Les plantes, l’esprit –
et quoi d’autre ?
La tête, le cerveau, les fronts,
La psyché, la pfiché (le corps),
L’âme du corps, les mains, les pieds, les ongles –
et puis c’est tout.

(107)

Devoir

Aujourd’hui
j’écris
un poème
sur l’amour.

L’amour est l’amour
de l’amour de tous
les temps.

C’était le temps
de tous
les temps.
C’était
le poème.

(108)

Tu as tous les corps et j’ai tous les corps. Nous ne nous repoussons pas. Tu as la force première et aussi la dernière.

(109)

Le soleil, la lune, la terre,
La planète, mars, les mondes astrals ;
L’auto, l’OVNI, les sphères ;
Les nuits, nuits de mars, nuits de lune ;
Le bonheur, le travail, aller au travail.

Aujourd’hui, nous allons à la vie.

(110)

Le savoir ne cesse jamais

(111)

* Né en 1959 à Wiener Neustadt (Basse-Autriche), le jeune artiste Arnold Schmidt est invité en 1986 par la Maison des Artistes de Gugging. C’est là que vit et travaille aujourd’hui encore « Andi ». En 1999 paraît son recueil de poèmes 111 (éditions minimal, Vienne), transcrits par Otmar Schmid. En 2007, Christian Diendorfer met certains d’entre eux en musique (Lieder nach Texten von Ernst Herbeck und Arnold Schmidt für Männerstimme und Ensemble).