Poèmes de Sarita Jenamani traduits de l’anglais, extraits de « Till the Next Wave Comes » (Dhauli Books, Odisha, 2018) *
Éphéméride
Les soirs
assis au bord de la rivière
Le temps charrié
par les torrents de l’eau
Tant de lettres
englouties
par les vagues vibrantes
Et toujours nous coulons
tout comme la rivière
coule d’ici à là
telle la chute d’eau
cascadant des montagnes
Chaque scène saisie par des yeux éveillés – un rêve
Rêve échappé du poing
Les feuilles de l’éphéméride
tombent jour après jour
mois après mois
et d’année en année
Une année
un symbole
chants d’instants doux-amers
Quand parfois un visage
au-delà du miroir
se fait autres visages
Et la mort se propage
dans l’étendue du ciel
scintillant comme lune laiteuse
mêlant son éclat d’argent
au flot des eaux courantes
1947
Ils s’en vont
Et quelques maisons de plus
s’enfoncent dans la pénombre
La rue rétrécit plus encore
La nuit étreint
les pâleurs morbides
De la Tour du Silence
descendent des symboles de peur
en quête de pitance
Ceux qui sont restés là
sont encore plongés
dans le profond sommeil de leur
indifférence
Et ils ne se réveillent
que pour passer de rêve
en rêve
et murmurer
des questions sans réponse
Ils s’en vont
Et la vie rétrécit
plus encore
Au-delà
Le silence déploie ses ailes
tel le désert
sous un ciel d’aurore
Les pyramides inertes scintillent
entre l’or et l’azur
Il y a toujours plus à dire
au-delà de la civilisation
Pendant L’Amour
Une gerbe de joie
jaillit du spasme vaporeux
Ta chaleur tangible
m’enflamme comme braise
une danse extatique
de langue de feu me dévore
Les choses manifestes encore sont
obscures
le temps se brise, la vie se dissémine
Le désir devant toi t’accorde d’explorer
sa foule de corps qui résonnent
entre les pauses d’une sonate
Seuils
Je frappe à la porte
et elle s’ouvre
mais avant même de m’engager
la porte s’engage en moi
et continue d’y ouvrir
des portes infinies
Et je ne saurais dire
si je traverse les seuils
ou si eux me traversent
l’un après l’autre
Confondue, je cherche un toit,
mais avant d’en trouver un
la terre sous mes pieds
se dérobe
Images brisées
La chronique
de ta vie
n’est autre
qu’un patchwork
de choses oubliées
que tu tentes d’apiécer
d’une aiguille
depuis longtemps perdue
Sans Titre I
Je suis une goutte de pluie
qui s’évapore
en un quart de seconde
pour retomber
vers toi
encore et encore
Langue Maternelle
Rivière mystique
elle coule
au fond de mes artères
Voix de ma mère
voix liminaire
berce mon moi naissant
Alors que je m’écoule
en protégeant
ses pans fragiles
dans l’océan de lumière
Langue Étrangère
La nouvelle langue te somme
d’énumérer tes noms
et dans le même temps t’ordonne
de ravaler tes voix
Tes noms qui s’obstinent
à être appelés
épelés
rayés et
traduits
pour être ensuite
oubliés
à jamais
Poème
Un poème n’est pas
un feu d’artifice radieux
Mais unique étoile filante
arrachée
au front
du firmament
* Traduits et publiés avec l’autorisation de l’auteure