Mumbai, cinq heures du matin. Au réveil, l’eau de Cologne au citron de certains passagers de l’avion me rappelle que nous arrivons directement d’Istanbul. Dans l’aéroport, des effluves de moisissure montent des tapis rouges des couloirs. Premiers saris, premiers parfums doucereux de patchouli.
Puis relents d’échappements et de cloaques sur la route qui mène à Colaba.
L’hôtel sent l’humidité, la cuisine au beurre et l’urine.
Dans l’après-midi, le Crawford Market n’est déjà plus qu’un tapis immonde de peaux de bananes, de papayes et de mangues piétinées, de crachats de bétel, d’os de poulets, de mélasse de canne à sucre broyée. Pestilence de la fiente du marché aux oiseaux.
Devant le temple hindou qui exhale la noix de coco et le jasmin flétri, une femme lave son bébé assise au bord du caniveau. À travers les grilles du parc des Beaux-Arts monte la poussière des joueurs de cricket.
Sept heures du soir. Le balcon de l’hôtel surplombe du deuxième étage l’agitation de la rue, circulation d’enfer sur le boulevard. La station de bus en contrebas, couleur rose bonbon, est décorée d’une publicité de biscuit fourré à la fraise et la vanille. Dream Cream. J’ai encore dans la bouche la saveur des feuilles de coriandre. Deux bandes de jeunes commencent à se quereller. Un groupe de cinq s’est jeté sur un des garçons, le terrassent, s’abattent sur lui à coups de poing, à coups de pieds, à coups de battes de cricket. Humeur de sang.
Demain, il y aura les embruns, l’île d’Éléphanta, le goût de sel sur les lèvres, les fragrances subtiles et les colliers de fleurs fraîches de l’hôtel Taj Mahal, et la fraîcheur d’un thé de Darjeeling.
[22 janvier 2012]