Freisprechanlage / mode mains libres

Sechs Gedichte von Fabjan Hafner ins Französische übersetzt
aus Freisprechanlage (…), Drava, Klagenfurt/Celovec, 2001.

SPLEEN DE MINUIT

Le visage voilé
d’un tissu
de neige vierge.

L’âme cachée
au tréfonds de
la tête.

Calme,
trop calme,
je ferme
mes yeux exténués.

JE SUIS PLUS POÉSIE QUE
LA SOMME DE MES POÈMES

Un visage
dans la main,
moi,
engourdi par la faim,
transi de solitude,
moi,
plus qu’un soupçon,
une preuve.

Moi,
pas vous.
Moi,
soc et roc,
heur et leurre,
rire et air.
Mon salut,
moi.

Moi, l’idée :
« Moi, le sens ! »
Pas le sens. Non-
sens, ce sens, pas
le contraire. Je suis
les deux, toi et moi,
plus qu’un simple
Nous.

ARRÊTER

Non de non,
à aucun prix,
ni pour le pire,
ni le meilleur,
tôt ou tard,
il te faudra,
sans propre volonté,
que tu le veuilles ou non,
à ton corps défendant,
forcément
arrêter.

TU CESSES,
dans ce café désert,
de respirer
les nuages de fumée
confinés,
tu ne finis pas
ton café refroidi,
la dernière,
si amère
gorgée,
tu cesses
de rêver
de ciel bleu,
d’îles blanches
au milieu des montagnes,
tu cesses
d’en finir.

SI L’ON POUVAIT RETENIR LES CARESSES
hors de notre mémoire
ou de leur souvenir,

se les approprier,
comme si notre corps les avait
absorbées,

et s’il était possible, une fois imprégné,
d’être à jamais
en état de caresses,

ce reste insaisissable qui frétille
sans relâche comme un appât
s’évanouirait-il ?

COMME C’ÉTAIT ET SERA ET N’EST PAS

I
Avec la neige
je suis tombé.
Avec elle
je fonds.

J’ai consigné
ce qui n’a pas eu lieu.

II
Dans une poignée
de nuit chaude
je ne décortique
rien.

Dans le silence
je me tais.

III
Le ruban entre deux jours
est un fil, plus fin
qu’un boyau de porc,
la grande corde.

C’est elle que je caresse,
sans le savoir.

IV
Dans l’obscur luisent
des yeux noirs.

Sur tes paupières
je cueille un film,
la crème du
lait coagulé.

V
Pour l’heure je ne fais que
te regarder.

Mais je vais te
recouvrir de feuilles,
à t’en couper
le souffle.

VI
Cesse de t’ébahir
ou tu finiras ahuri.

Tu as trop longtemps
attendu le printemps.
C’est pour ça qu’à présent
il neige au mois de mai.

VII
Je me décompose en phrases simples,
propositions indépendantes.

Ce que l’on peut y
lire (et plus encore),

on peut le lire (et mieux encore)
dans ma main.