Adaptation française d’un texte de Khalid Bounouar / Übertragung ins Französische eines Poetry-Slam-Textes von Khalid Bounouar für Borderlines – Euregion Poetry Slam, 2020
C’est un pays où il fait froid,
il y a tous les jours du brouillard,
le soleil y est plutôt rare.
Viens avec moi, allez, suis-moi !
Hein, tu dis quoi ?
Que tu trouves marcher ringard ?
Pour toi, la rando, c’est le bagne ?
Pour moi, la marche, c’est cocagne,
entre Belgique et Allemagne,
sur le plateau des Hautes Fagnes :
Eupen, Malmédy et Montjoie,
entre les trois.
Vois,
là-bas, suis mon doigt,
le reflet des étoiles sur terre,
sept cents mètres au-dessus de la mer.
Je me sens libre quand je traîne
et flâne près de Baraque Michel :
trop cool, l’endroit, pour faire la fête,
on pleure, on rit, et puis on s’aime.
Attendez, je reprends mon souffle,
puis je vous montre un truc de ouf :
en pataugeant dans la tourbière,
vous me prêterez votre oreille,
pour ouïr ce récit sans pareille.
On peut y aller, la troupe est prête ?
Voyez là-bas les croix muettes ?
Chacune raconte une historiette,
pour ne pas qu’on oublie les histoires d’avant, d’il y a cent cinquante ans.
C’était en l’an de grâce mille huit cent…
des poussières,
par une nuit de froid et un janvier glaciaire.
C’est l’histoire de Marie et son fiancé Pierre
– de tout le pays de Fagnes on la dit la plus belle –
partis quérir les papiers nécessaires
à leur mariage, mais les heures passèrent,
et tout transis de froid en glace se transformèrent,
ensevelis sous un épais tapis de neige.
Et ce n’est qu’au printemps
que quelques paysans
trouvèrent les amants.
C’est depuis qu’est plantée,
à Baraque Michel,
la Croix des Fiancés.
Toi qui passes par-là,
flâneur, arrête-toi
au pied de cette croix,
où le vent souffle par rafales,
sur le plateau des Hautes Fagnes.
Des montagnes de neige forment le paysage,
qui semble remonter au plus lointain des âges.
Autour, des marécages,
où les sables mouvants me rendent indolent.
Lors, vers la forêt je m’élance,
par les caillebottis de bois.
C’est peu dire qu’il fait froid.
Le climat est bien rude, mais quelle belle vue !
Quel beau cadeau que ce pays perdu
de monts et de vallons
pour tous les gens du cru
qui s’appellent les Wallons.
Que ce panorama
te soit comme un mantra.
Ah, que je n’oublie pas
de vous montrer le toit
de la Belgique, venez avec moi.
Et pas besoin de masque à gaz
ou oxygène, ni FFP2/3, pour la butte de Baltia.
Car la mer n’est qu’à sept cents mètres en-dessous de l’endroit.
Une petite halte serait bien raisonnable.
Et ouvre bien tes yeux et ferme ton portable.