Jan Lievens, Portrait d’un garçon en habit perse
(vers 1631, huile sur bois, 67 x 51,8 cm, collection privée, New York)
La peinture du fond semble être encore humide. Et devant ce rideau de moire chatoyante, tu poses, l’air rêveur. Je détaille ton costume : la cape de popeline et sa chaînette d’or, le pourpoint de laine fine qui ceint ton ventre rondelet, ton turban de soie brodée et sa plume d’autruche. Dans l’alcôve où le peintre exécute ton portrait, j’imagine des miroirs, des pendules de cuivre et des coffres sculptés. On dit ton siècle d’or, ta ville est très prospère. Fils d’un riche marchand, tu sais lire et écrire, et tu connais le monde à travers les cadeaux que ton père rapporte de voyages : pommes-grenat du Levant ou benjoin d’Arménie. Tu as dans tes trésors une pierre de lune et une fleur de laine blanche plus douce que celle des moutons.
Pourtant, autour de toi, le vide.
Dans ce musée au bord du Bosphore, quatre siècles ont passé. Je m’approche. J’interroge ton visage, engoncé dans ce col empesé : la pâleur rosée de tes joues potelées et ta lèvre boudeuse ; mais ces pépites d’argent dans tes yeux délavés, est-ce le reflet d’une larme ? De la peur, de l’ennui ? Ou de la nostalgie ? Dans tes yeux, dans mes yeux. Est-ce un rêve d’ailleurs ? Te rêves-tu pêcheur, vêtu de camelot, les pieds nus dans le sable ?
Je sais alors qu’un jour tu partiras.
Orhan Peker, Balıkçı çocuk ve kediler (Jeune pêcheur avec chats, 1976, Istanbul Modern)