Poèmes de Dorothea Nürnberg traduits de l’allemand, extraits de herzwortweben (Ibera, Wien, 2017) *
trace de questions
1
paroles
perdues
dans la neige
fonte
du sens
lac de signes
attente
dans les transes
silence
vibrant
cristal
paroles astrales
souffle d’étoiles
2
des chants
de cobalt et lapis
tombent
vers le ciel
mots dansants
cherchent
forme
virevoltes
roses
fusent
vers d’envoi
en vert
épi d’été
transi de lumière
3
point
du jour
gris
quête
d’un mot
délivrance
mer de questions
dans l’ancre
du silence
sable
ombre du doute
puits s’ouvrant
sur la raison
abysses
éclipse de rayon
quand montera
la marée
de clarté ?
4
grappes
fermentent
lune bleue
ramée nocturne
jette
ombre
aile de lune
se dérobe
tourment
plus doux
des pensées
quand éclosent
les roses
5
les jours
fondent
l’attente
suspendent
chant du vent
la flûte d’orphée
tresse
l’osier
est-ce que le thrace
affole
les lucioles ?
6
tramer
des mailles
de paix
grand chariot
déchire
le bruit
des étoiles
l’éclat du cœur
tue
la lumière
silence tramé de mailles
vide d’appel
7
ailes noires
et murmure
de jours lointains
jeu de paroles
sur
plumes
de corbeau
oiseaux
dansant
plongée
dans le poème
8
paroles
tissées
de nacre
et de verre
éclats
tremblant
des ailes
rai de lumière
teinte
la houle
l’ourlet des mots
en perle
roule
l’ourlet des bris
perdure
9
symphonie
en vol ramé
l’onde inonde
doucement
la vie
elle ne brise
pas un mot
pas un monde
danse
pieds nus
sans appui
plus bas
bruissent les sons
sur les cordes
sphères
et strophes inondent
le monde
décompose
en majeur
danse
en mineur
le cœur
solfie
la réponse
plus lente
bat
la vie
rythme
danse
monde
10
mots
créés
tournés
ourlés
sens
inversé
mots
guérison
inondant
le monde
mot vécu
rompu
décharné
desséché
sens
dénié
mots malades
cherchent
remède
froissent
blessent
rongent
le monde
mot
crée
monde
monde malade
brèche du cœur
11
les jours
suspendent
la question
souffle coupé
brèche sombre
germe sillon
ensable la raison
tarit le cœur
épines
saignent
les ancêtres
colère
vibrant
douleur
45
baiser de nuages
les fées du vent gonflent la mousse
des cœurs de brume se pourchassent
voiles en dentelle et cheveux d’argent
averse tropicale trouant la terre créole
nuage du désert et ses châteaux de sable
nuage de l’été étincelant d’étoiles
bouche ardente peignant un incendie des nues
nuages de baisers qui reflètent le ciel
soyeux cirrus bruissant au cœur
nuages de banquise formant lune hivernale
nuage blanc polaire qui vire vers le bleu
et au saut du levant
nuages moutonnés
un ruban de désir
une femme nuée
46
vent de feu
cendre noire sur terre rouge
mosaïques traversent le temps
souliers de fleurs voile diaphane
son de harpe élysée
des chants résonnent dans de lointains espaces
la poésie rallume une rime ancienne
coupes dorées
écrins d’amour
déversent des divinités
et danse une bacchante
en ronde flamboyante
le vent gonfle la mer
la fraîcheur baigne les montagnes
et un cratère s’ouvre sur la lumière
feu mouvant
soleils éclatés
la terre jette
son cœur
dans l’univers
47
temple ancien
écueils marins
fleurs de frangipanier
dispersées en couronne
les singes se disputent
lait de coco et fruits
fleurs chancèlent vent de mer
dans le soleil
des amoureux s’embrasent
corps de pierre
tendus vers le zénith
sur les pieds de krishna
naissent des flammes bleues
des rubans de safran
sacrent le cœur et l’être
sens pétri de parfum et de feu
la fumée de lotus
estompe
de la pierre
les contours
48
flocons de neige fondent
en rouge et vert
ailes de perroquet
cherchent lumière
cage ouverte
barreaux écartés
et la liberté
chante
un rêve jaune
ailes bruissantes aux fenêtres
blutent l’espace
le ciel tisse
de gris le monde
la neige jette un voile
vibre le cristal
la brume prend
le rêve dans les glaces
les perroquets s’enfuient
s’échappent des fenêtres
le bec froid
et les plumes mouillées
tremblantes
liberté envol
ailes déployées
soleils multicolores
les plumes pleurent
et le cœur vole en nuée
49
soleil aztèque
plumage du cœur
roues solaires
gravitent autour du monde
dans la jungle veillent des temples
chants de serpents font résonner les temps
dieu de plumes
brûle de lumière
et vénus irradie la nuit
l’oiseau de quetzal annonce l’aurore
rêves mouchetés de fleurs de rubis
étoile du matin cueille plume de soleil
source du temple traverse le cœur
racines profondes
guérissant les crevasses du passé
des serpents émeraude
se prennent pour des branches
50
arbre de vie trame la soie
une porte en marbre se brise
chrysalides lacent des fils
fruits rouges font tomber l’arbre
mains de femmes tressent la vie
le paradis bourgeonne
et éclaire la lampe
l’or et l’étain
cherchent un cadre
l’amour blanc
tisse un cocon
* traduits et publiés avec l’autorisation de l’auteure