Leila – deutsche Version et adaptation française

Tu t’appelles Leïla,
dein Name ist Leïla, es bedeutet „die Nacht“,
wie in Kitāb ‘Alf Laylah wa-Laylah,
das Buch von Tausend und einer Nacht.

Du kommst aus dem Congo, dem Burundi, aus Senegal,
aber hier ist es ihnen egal,
Sierra Leone, Ruanda oder Eritrea
für sie ist es alles einfach Afrika.

Sie sagen schukran und Inch’allah,
seit dem All Inclusive auf Djerba,
teşekürler, Maschalla,
weil sie schon in Istanbul waren.

Sie sagen, ihr seid Tausende, Millionen,
aber du bist alleine gekommen.

Sie sagen, du bist schwarz,
wenn für dich deine Haut zimtfarbig ist,
bronzen, café-au-lait,
ambrafarben oder seidenmoiré.

Sie nennen dich Migrantin, Flüchtling, Asylantin, aber dein Name ist Leïla.
Es bedeutet „die Nacht“.

In diesem Windwinterland musst du bei Tag Acht geben,
dass die Dämonen deiner Jugend nicht ständig vor deinen Augen schweben.
Wenn der Wind in Stößen durch die Gassen Wiens fegt,
und frostige Schneeflocken an deinen Wimpern kleben,
pocht auch dein Blut mit eiserner Kälte,

und du erinnerst dich an
den Drill im Lager von Sawa,
die Mädchen vergewaltigt,
Sklavinnen der Offiziere,
oder gewaltsam entführt in die Wüste Sinai;
für immer geschnitten die Blume, die sie zu Frauen macht…

und du erinnerst dich an
die islamische Miliz
Todesstrafe auf das Tanzen,
das Singen und das Lachen.

Und du erinnerst dich an die Mörder,
überall auf der Lauer,
an die Buschmesser,
an
die Wörter,
die Sätze,
die Sprache,
die Hände abgehackt,
du siehst das Blut im Sand, in der fruchtbaren Erde,
die Dörfer dezimiert,
Kinder in Massengräber…

Drum bist du weggegangen in einer Silbernacht,
von deiner Mutter ein letzter Kuss, bittersüß, amer
und ihre Tränen fielen sanft ins Meer…

Ja, du bist abgereist
vom Hafen von Massawa, Dakar
Tunis oder noch Calabar,
das Kreuz des Südens hinter dir gelassen,
vor dir das Wasser ohne Ende und die blasse
Milch des Mondes im Kiel einer Piroge…

Aber in der Wärme der Nacht, Leïla, selbst mit offenen Augen,
denkst du zurück an die Lichter der Stadt,
die Kolibris, diese „Blumen der Luft“,
an den Geruch von Pfeffer und Gewürzen, der nach dem Regen von der Erde aufsteigt;

nachts hörst du ein fernes Muschelhorn,
ein Balafon, eine Kora,
wie von dem Passatwind, dem Harmattan, verweht.

Ja, wenn die Nacht kommt,
da denkst du an die Kindheit
Seilspringen, Tempelhüpfen
unter dem Mangobaum
eins zwei drei
Hand in Hand
Ihr seid ans Meer gefahren, an die Ufer des Gambias, die Strände der Casamance,
des Sees Tanganjika.

Nachts denkst du an deine Mutter,
an ihre Hand aus Licht, die dich in den Schlaf wiegte,
et ses mains d’alizés qui guérissent des fièvres…

Du denkst an ihre Stimme, als sie von Königinnen sprach,
Zenobie aus Palmyre,
Al Hora, Elissar,
oder noch Makeda, der Königin von Saba.

Und deine Mutter sprach die Wörter von Senghor:
Ma gloire… est de chanter la mousse et l’élyme des sables…

Und deine Mutter sang:
Ihorere Leïla
Ihorere Leïla
Amarira warize arahagije

Ja, in der Wärme der Nacht denkst du an deine Mutter und ihre Hand aus Licht, die dich in den Schlaf wiegte.

Sie nennen dich Migrantin, Flüchtling, Asylantin,
aber dein Name ist Leïla,
es bedeutet « die Nacht ».


Tu t’appelles Leïla,
ça veut dire « la nuit »,
comme dans Kitāb ’Alf Laylah wa-Laylah,
le Livre des mille et une nuits.

Tu viens du Burundi, d’Érythrée ou du Sénégal,
mais eux, ça leur est franchement égal.
Rwanda, Congo ou même Mozambique,
pour eux, c’est juste vu de loin : l’Afrique.

Ils disent schukran et Inch’allah,
depuis des vacances à Djerba,
teşekürler et Mashalla
depuis les plages d’Antalya.

Ils parlent de milliers, de millions d’hommes jeunes.
Pourtant toi, tu es bien venue seule.

Ils disent que tu es noire,
quand ta peau est de moire,
qu’elle est cannelle, café-au-lait,
bronze, dorée ou bien ambrée.

Ils te nomment migrante
ou demandeur d’asile,
mais ton nom est Leïla,
ça veut dire « la nuit ».

Dans ce pays aux mille collines de neige,
Autriche, Suisse ou peut-être Norvège,
tu dois faire face aux sortilèges
des tristes spectres de ta jeunesse.

Car quand le vent d’hiver s’engouffre
dans les ruelles de la ville,
que des larmes de givre sourdent
à tes paupières, entre tes cils,
ton cœur, ton sang aussi
tressaillent de cauchemars.
Et les histoires de là-bas
alors transpercent ta mémoire :

le drill dans le camp de Sawa,
les fillettes violées,
esclaves des officiers,
ou de force enlevées au fin fond du Sinaï ;
et d’un geste sec, d’une entaille,
coupée la fleur qui aurait dû les faire femmes.

Tu revois la milice
islamiste, ces hordes djihadistes
qui peu à peu bannissent,
sous peine de supplices,
la musique et les chants et la danse
et les rires.

Tu repenses aux massacres,
aux tueurs qui attaquent,
leurs machettes, leurs kalachs,
leurs paroles hachées,
leurs gestes saccadés.
Tu vois la terre trempée
de sang, et le sable inondé
des pieds et mains coupés,
villages décimés,
enfants dans les charniers.

Alors tu as pris le large, par une nuit d’argent,
abandonnant ta mère à son sourire amer,
à ses larmes tombant doucement dans la mer.

Oui, tu t’es embarquée dans le port de Dakar,
Lomé, Tunis, Tema ou peut-être Pointe-Noire,
Tobrouk ou Massawa, Tanger ou Calabar,
Laissant derrière toi le Centaure et la Croix
du Sud pour d’autres latitudes,
devant toi l’eau sans fin et le lait de la lune
en miroir sur la mer.

Mais dans la chaleur de la nuit, Leïla,
même les yeux ouverts,
tu repenses aux lumières
de la ville, aux colibris et aux martins-pêcheurs,
fleurs aériennes, et aux chaudes senteurs
de poivre, combava et de baie cannelière
qui après chaque pluie s’épanchent de la terre.

La nuit, tu entends un tam-tam lent,
un balafon, une kôra,
portés par l’harmattan et ses sables bruissants.

Oui, quand la nuit descend,
tu penses à ton enfance :
vous jouez à épervier , à 1, 2, 3, soleil,
sous le manguier marelle,
de la terre jusqu’au ciel.
Vous alliez en vacances,
plages de Serrukunda,
du fleuve Casamance,
du lac Tanganyika.

Dans les yeux de la nuit, tu repenses à ta mère
et ses mains d’alizés qui guérissent des fièvres…

Et tu entends sa voix te raconter les reines,
Zénobie de Palmyre,
Al Hora, Elissar,
et aussi Makeda, la reine de Saba.

Ta mère murmurait les psaumes de Senghor :
Ma gloire… est de chanter la mousse et l’élyme des sables

Et ta mère chantait :
Ihorere Leïla
Ihorere Leïla
Amarira warize arahagije
Ihorere Leïla

Dans la lumière de la nuit,
tu repenses à ta mère et ses Mains de Lumière
qui berçaient ton sommeil.

Ils te nomment migrante
ou demandeur d’asile,
mais ton nom est Leïla,
ça veut dire « la nuit ».