À côté de la vie

J’entends dire « j’ai peur de passer à côté de la vie ». Parler de passage. Quand je me sens immobile. C’est la vie qui me passe à côté. Me court après. Me rattrape. Passe. Me dépasse. Et fuit. La vie des autres : fêtes, voyages, sorties, projets. Oui, mais les autres. Et moi ? De la poussière enlevée qui reviendra toujours. Des textes écrits qui ne paraîtront pas. Des herbes arrachées qui repoussent sans cesse. Des livres qui ne seront pas lus. Des films imaginés qui ne verront pas jour. Vie parallèle, vie rêvée, vie échouée ? Je t’entends dire « je suis passée à côté de la vie ». Et je ne comprends pas ce que tu veux me dire. Je reste là, inerte. Silencieuse. Interdite.

 

 

 

Selfies *** [Istanbul, juin 2014]

C’est moi au réveil, dans la Coşkun Sokağı.
Moi dans le tramway en direction de Topkapı Saray. Et moi devant l’hermaphrodite de Pergame.
C’est encore moi sous une pluie d’orage, entre la tour Galata et la place Taksim.
Gros plan sur mes tennis détrempés.
C’est moi sur le balcon surplombant le Bosphore, face à Topkapı illuminé, un ballon de vin du pays d’Oc à la main.
Puis moi assise sur le tapis de la mosquée Rüstem Pascha pour échapper à la cohue du bazar égyptien.
C’est moi avec Ara Güler devant le musée d’art moderne.
Moi, le dernier jour, sur le bateau pour Kadiköy et sur la promenade de Moda.
C’est ma main tenant un verre de thé, c’est mon assiette de calamars grillés, ma coupelle de salicornes sur fond de givre de rakı.
Et ça, c’est moi dans l’avion du retour.


*** selfie : n. m. (mot anglais, de self « soi-même »), autoportrait numérique, généralement réalisé avec un smartphone et publié sur les réseaux sociaux – un des mots qui feront leur entrée dans Le Petit Robert et Le Petit Larousse en 2015

Familienrezept nach alter Art / Pour faire une famille

Deutsche Version in: DUM, Das Ultimative Magazin,
Thema: « RATSCHLAG »,
Jahrgang 17, No.: 69/2014

Man nehme einen Vater, der Kraft, Strenge und Autorität verkörpert, und ein Muster an Zärtlichkeit, Vorsicht und Weisheit als MutterDie Zutaten auf Liebe betten, mit einer Prise Leidenschaft und einer Messerspitze Lüsternheit bestreuen und ziehen lassenDie Mischung in ein Gefäß gießen
In regelmäßigen Abständen Rebellionen, Träume, Groll, Bitterkeit und Alltagsschaum abschöpfen
Ein wenig Unschuld, Treuherzigkeit, Lebensfreude, Naivität und Vertrauen in einem Teelöffel Zitronensäure auflösen
Die Mischung zugeben und jahrelang ruhen lassen
Normalerweise bildet sich an der Oberfläche eine Schicht Dankbarkeit und Pflichtgefühl
Die Zugabe von Streitigkeiten, Nörgeleien, Seufzern, Tränen, Geheimnissen und Tabus bewirkt eine leicht bittere Note
Je nach Geschmack einen Hauch von Religiosität oder Scheinharmonie beimengen, und nach Belieben
mit Fetischen,
einem Bauernschrank,
einem alten Sessel,
einem Schmuckstück,
einem Fotoalbum versetzen,
wahlweise auch
Bohnerwachs, Staub oder Schmieröl ins Feuer gießen…
Jahrelang täglich umrühren
Nach abgeschlossenem Gärungsprozess die Mischung pürieren (auf die Finger achten) und durch ein grobes Leinentuch passieren
Das Leinentuch waschen (nicht in der Öffentlichkeit)
Die Mischung mit Bittersäure legieren
Nach Geschmack würzen
Auf schwacher Flamme zum Köcheln bringen und eindicken
Das Gericht flambieren, in der Gascogne mit Armagnac, im Dauphiné mit Chartreuse
In Flaschen füllen und im Keller lagern
Anschließend den Rest der Flasche Armagnac oder Chartreuse austrinken und mit Freunden ausgehen

Pour faire une famille [recette à l’ancienne]

Prenez un père qui incarne force, rigueur et autorité et une mère qui soit un parangon de tendresse, de vigilance et de sagesse
Préparez une décoction en les mettant à infuser dans un lit d’amour, que vous saupoudrerez d’un zeste de passion et d’un soupçon de lubricité
Mettez la préparation dans un récipient
Fermez bien le récipient pour éviter que ne se forment à la surface rébellions, fantasmes, rancœur, amertume ou écume des jours
Dissoudre un peu d’innocence, de candeur, de joie de vivre, de naïveté et de confiance dans une cuillère d’acide
Ajoutez à la décoction et laissez reposer pendant plusieurs années
Il doit normalement se développer à la surface une couche de gratitude et de sens du devoir

Au fil des ans, ajoutez à froid disputes, murmures, soupirs, larmes, secrets, tabous. Pour l’amertume, cela s’entend
On peut y ajouter, à l’envi, quelque relent de religiosité ou simulacre d’harmonie,
des fétiches,
un bahut,
un voltaire,
un bijou,
un album de photographies (le père sur son cheval ou en train de fumer la pipe),
de l’encaustique et de l’huile de coude,
ou de la poussière…
Remuez tous les jours pendant des années
En fin de fermentation, passez à la moulinette en prenant soin d’épargner vos doigts puis filtrez la préparation à travers un linge
Lavez le linge en famille
Ajoutez une liaison d’aigreur et de ressentiments et arrosez-en votre préparation
Épicez à votre goût
Mettez sur le feu. Faites frissonner puis laissez réduire
En Gascogne, on flambera à l’Armagnac ; dans le Dauphiné, à la Chartreuse
Versez dans des bouteilles. Couchez-les à la cave où la préparation se conservera très longtemps
En remontant de la cave, finissez la bouteille d’Armagnac (ou de Chartreuse, selon votre origine) et sortez avec des amis

Rêves d’ailleurs

 Jan Lievens
Jan Lievens, Portrait d’un garçon en habit perse
(vers 1631, huile sur bois, 67 x 51,8 cm, collection privée, New York)

La peinture du fond semble être encore humide. Et devant ce rideau de moire chatoyante, tu poses, l’air rêveur. Je détaille ton costume : la cape de popeline et sa chaînette d’or, le pourpoint de laine fine qui ceint ton ventre rondelet, ton turban de soie brodée et sa plume d’autruche. Dans l’alcôve où le peintre exécute ton portrait, j’imagine des miroirs, des pendules de cuivre et des coffres sculptés. On dit ton siècle d’or, ta ville est très prospère. Fils d’un riche marchand, tu sais lire et écrire, et tu connais le monde à travers les cadeaux que ton père rapporte de voyages : pommes-grenat du Levant ou benjoin d’Arménie. Tu as dans tes trésors une pierre de lune et une fleur de laine blanche plus douce que celle des moutons.
Pourtant, autour de toi, le vide.
Dans ce musée au bord du Bosphore, quatre siècles ont passé. Je m’approche. J’interroge ton visage, engoncé dans ce col empesé : la pâleur rosée de tes joues potelées et ta lèvre boudeuse ; mais ces pépites d’argent dans tes yeux délavés, est-ce le reflet d’une larme ? De la peur, de l’ennui ? Ou de la nostalgie ? Dans tes yeux, dans mes yeux. Est-ce un rêve d’ailleurs ? Te rêves-tu pêcheur, vêtu de camelot, les pieds nus dans le sable ?
Je sais alors qu’un jour tu partiras.

Orhan Peker

Orhan Peker, Balıkçı çocuk ve kediler (Jeune pêcheur avec chats, 1976, Istanbul Modern)

Kopf oder Zahl?

İstanbul’u dinliyorum,
gözlerim kapalı… [Orhan Veli]

[in Podium, Doppelheft 169/170, Thema: halbvoll halbleer, November 2013, Wien]

Istanbul, Donnerstag 10. März 2011, 10 Uhr 05.
Ich bin zum Brunchen um halb elf eingeladen und soll die simit mitbringen. Vier Stück Sesamkringel. Vor der Yeni Camii kosten sie nur 75 Kuruş, hier auf der großen Touristenmeile wahrscheinlich 1 Lira. Kaç para? lautet die Frage. Wie oft habe ich gefragt und die Antwort nicht verstanden! Zur Not kann man sich mit Gesten verständigen. Oder ich gebe dem simitçi 4 Lira und werde wohl sehen, ob er mir zurückgibt. Nach 7 Tagen Kurs – es entspricht immerhin schon 28 Stunden – kann ich die Zahlen noch immer nicht. Vokalharmonie und Agglutination sind kein Geheimnis mehr für mich. Aber die Zahlen… Ich versuche sie mir im Gehen einzuprägen. Schön im Rhythmus: bir, iki, üç… In der Sesamstraße stellt ein Graffiti eine schreiende Frau dar. So fühle ich mich manchmal nach zwei Stunden Hausübungen. Jeden Vormittag. Und vier Stunden Kurs am Nachmittag. Es sind sechs Stunden Türkisch am Tag. Und ich kann die Zahlen noch immer nicht. Trotz der heutigen Hausübung, Seite 36, Nummer 8: „Schauen Sie sich die Liste mit den Telefonnummern an; wen würden Sie anrufen, wenn Sie folgende Nummern wählen würden: beşyüzellidokuz kırküç seksenyedi“. Wenn ich es so geschrieben sehe, ist es kein Problem, aber beim Gemüsehändler oder im Bazar bin ich sofort als Touristin entlarvt. 666, die Zahl des Teufels steht jetzt an der Wand geschrieben, in großen schwarzen Ziffern. Auf Türkisch altı altı altı. Ich gehe am Wasserverkäufer vorbei, über dem Eingang steht Water World und die Telefonnummer 292 73 10. Schweißausbruch. Ich werde es nie schaffen. Dabei ist die Umstellung für mich, als Französin, nicht so schlimm wie für Deutschsprachige: zuerst die Zehnerstelle und dann die Einerstelle. Im Türkischen wie im Französischen. Achtzehn ist zehn acht, also on sekiz, wie dix-huit. Diese deutsche Eigenart bescherte mir übrigens vor gut zwanzig Jahren eine unvergessene Blamage: Ich saß im Café und wollte zum ersten Mal meine Rechnung „österreichisch“ bezahlen, das heißt den Betrag auf die nächsthöhere Summe aufrunden. „Zweiunddreißig Schilling“ sagte der Kellner, und ich, wie aus der Pistole geschossen „fünfundzwanzig“. Die Luft blieb stehen. Der ganze Tisch schaute mich verblüfft an. „Nein“, wiederholte der Kellner, „zwei–und–dreißig.“

Neben dem Seiteneingang des deutschen Krankenhauses ziert noch ein Graffiti die Wand: ein roter Peter Pan mit den Nummern P.4 140. Und genau 140 Schritte sind es auch durch das Krankenhaus, also gehen sich 14 Mal durchzählen von bir bis on aus. Ich habe aber auf Französisch mitgezählt. Nur um es zu wissen fürs nächste Mal. Auf der Straße fange ich nochmals von vorne an: bir, iki, üç, dört, beş, altı, yedi, sekiz, dokuz, on. Ich übe mit allem und überall: Telefonnummern vom Pizzadienst oder Wiener-Wald-Lieferanten (ja, Wiener Wald!), Autokennzeichen, Ortsschildern, Benzinpreisen. Am Taksim steht der Straßenhändler mit der Saftpresse: nar suyu, drei Lira – portakal suyu, eine Lira. Ein Display vor einer Bank gibt den Wechselkurs an: 1 € = 1,22 TRY – 1 CHF = 1,46 TRY – aber auch das Datum, die Temperatur und die Luftfeuchtigkeit. Naturgemäß fällt mir dazu ein literarisches Zitat ein: „die Isothermen und Isotheren taten ihre Schuldigkeit“! Trotzdem erstaunlich: Ich hatte nie gemerkt, wie sehr Zahlen unser Leben bestimmen. Oder könnte es sein, dass die Türken Zahlen besonders mögen? Naturgemäß? Weil die Gebetszeiten so genau berechnet werden? Das Mittagsgebet, das gestern um 11.05 Uhr war, wird heute um 11.04 Uhr und morgen um 11.03 Uhr sein. Atatürk ist am 10. November 1938 um genau 9.05 Uhr gestorben. Das zu wissen ist notwendig, da jedes Jahr das ganze Land des Staatsgründers mit einer Schweigeminute gedenkt, in der der gesamte Verkehr zwar stehen bleibt, aber alle Hupen auf den Straßen und Sirenen auf dem Bosporus dröhnen. Historische Zahlen sind überhaupt eine gute Übung. 330: Byzanz wird Konstantinopel. 1923: Gründung der türkischen Republik. 1453? Die Zahl kennt jeder Türke, und wenn die Türkei Fußball gegen Griechenland spielt, werden Transparente mit dieser Zahl geschwenkt: das Jahr der Eroberung Konstantinopels durch Sultan Mehmet II. In Worten, der Zweite. Die Ordinalzahlen kann ich sowieso noch nicht. Kein Grund jedoch, mich von der 64 m hohen Bosporusbrücke oder vom 67 m hohen Galataturm zu werfen. Ich fange mit den Kardinalen an, und die muss ich üben, üben, üben. Als der Asteroid B 612 im Jahr 1909 von einem türkischen Astronomen entdeckt wurde… Nein, das ist eine andere Geschichte und hat schon wieder mit Literatur zu tun. Ich sehe schon den Simitverkäufer. Nur noch ein paar Schritte. Ein Mal kann ich noch üben. Bir, iki, üç, dört, beş, altı, sekiz, dokuz, on. Wommm!
Merhaba. Dört simit lütfen!, wage ich mit einem Lächeln. Er verpackt mir die vier simit und reicht sie mir. Kaç para?
Tiri.
Die Antwort versetzt mir einen Schock. Tiri? Ich gehe noch schnell im Kopf die Zahlen durch, von eins bis zehn. Tiri ist nicht dabei. Soviel kann es nicht kosten, dass er mir eine von mir unbekannte Summe nennt. Spricht der Mann arabisch oder irgendeinen Dialekt?
Und während er mir drei Finger vor die Nase hält und tiri wiederholt, verstehe ich, dass der alte Mann einfach nur so wenig Englisch kann wie ich Türkisch.

Heute laufe ich in Istanbul herum mit dem Kopf frei von Zahlen. Irgendwie kann ich mich schon verständigen. Auf dem Gemüsemarkt verwende ich nicht mehr kaç para? sondern ne kadar, und lasse dabei im Auslaut ein deutliches Zischen hören. Oft verstehe ich sogar die Antwort.
Ich fahre mit dem vapur auf den Fischmarkt nach Üsküdar. Was kümmern mich Datum, Lufttemperatur und Windstärke? Ich lasse den Spätsommerwind wie eine Berührung durch meine Finger wehen. Über dem Bosporus färbt die mattgewordene Sonne den Himmel rosarot und die Gischt silbergrün. Manchmal schließe ich die Augen, wie im Gedicht von Orhan Veli, um den Stimmen und Geräuschen Istanbuls einfach nur zuzuhören: dem Klatschen der Wellen, dem Lachen der Möwen, und weit, weit weg, von den Hügeln Asiens anschwellend, dem ersten Ruf zum Zuhrgebet. Und die Zahlen bleiben ungesagt.

haut – bas – fragile

Übersiedlung (2)quitter Istanbul (1)Übersiedlung (4)

[variations sur le thème « quitter Istanbul – retrouver Vienne »]

« On reconnaît les villes à leur démarche, comme les humains. »
[R. Musil, L’homme sans qualités, traduit par P. Jaccottet]

C’est d’abord quitter le bruit incessant de la ville ; le vacarme du jour : les sirènes des bateaux, le bourdonnement des cargos, le cri des mouettes, les klaxons des voitures, les sifflets d’agents de police, les feulements de matous en colère, le grincement du tramway, les aboiements de chiens, le tintement des cuillères dans les verres de thé, la plainte geignarde des enfants appelant leur mère, les poules de la cour, l’appel des rémouleurs, ferrailleurs et chiffonniers, les grésillements de perceuses, crépitements de soudeuses et coups de marteaux, et le livreur de pizzas ou d’escalopes viennoises, mais aussi les échos de la nuit : les mélopées arabesques montant des bateaux à touristes, le chant du muezzin, les miaulements de chattes en chaleur, la Harley du bout de l’impasse, et encore et toujours la rumeur sourde et obsédante qui monte du Bosphore, à toute heure du jour, de la nuit.

C’est laisser derrière soi la moiteur, la sueur, la poussière qui colle à la peau, la suie qui noircit la plante des pieds, les marchandages pour un plateau en cuivre ou deux écharpes de laine, le marché du dimanche, le manav ouvert la nuit, les traversées en vapur pour aller en Asie acheter du poisson, les errances dans le quartier des antiquaires, les bières fraîches sous le pont Galata et les troquets de Cihangir.

C’est oublier peu à peu les graffitis dans l’ombre des ruelles étroites, le café Urban sous sa vigne sauvage, les concerts de casserole, le vrombissement des canons à eau, la marée humaine de l’Istiklal Caddesi et l’ébullition de la place Taksim, l’odeur sucrée de cannelle de la viande grillée et celle âcre de poivre des gaz lacrymogènes.

C’est ralentir le pas, reprendre son souffle, revenir à l’essentiel. C’est un peu comme, après une escapade amoureuse ou un moment de folie, retrouver une ancienne maîtresse, les notes graves de sa voix, son parfum familier, sa respiration lente, ses gestes tendres et silencieux, et avoir le sentiment apaisant d’être enfin rentré chez soi.

La règle du jeu

DonaudeltaUn voyage Istanbul-Vienne par la route en passant par la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie en seulement une semaine, c’est un peu comme une partie de 1000 Bornes : il s’agit d’accumuler des kilomètres afin d’arriver au but sans encombre. Il semble que nous ayons dès le départ tiré les bottes As du volant et Increvable. Après Edirne découverte au pas de course, passée la frontière bulgare, nous avons aussi pu éviter l’obstacle Panne qui menaçait grâce à la carte Citerne d’essence. Et maintenant, Roulez. Les routes bulgares n’ont pas de marquage au sol, sont envahies d’herbes et creusées de nids de poules. Pas d’aires de repos, pas de toilettes. Les villages que l’on traverse sont pratiquement déserts, les maisons délabrées, aucun magasin, pas de terrains de sport ou de jeu, pas de jardins… Deuxième frontière. Contrôle sommaire d’identité et de douanes, puisque nous sommes déjà dans l’Union Européenne.
Delta du Danube : photographié un troupeau de moutons sur la lande, une borne kilométrique qui indique « Raila 80 km », un minaret quelconque, une boîte aux lettres rouillée, les bulbes dorés à l’or fin d’un monastère, un paysan sur une charrette tirée par deux chevaux, un nid de cigognes sur un poteau électrique, les méandres du fleuve à perte de vue, un château d’eau en ciment comme dans mes souvenirs d’enfance, un toit de ferme en roseaux. Traversée du Danube en bac à Galati. Pique-nique improvisé devant une gare désaffectée, puis reprendre la route. Pour gagner des points, enfin des bornes, des kilomètres. C’est la règle du jeu. Embouteillage en montagne en descendant sur Braşov. Ce sont les aléas de la route. Et à nouveau à un passage à niveau où des enfants mendient « pour de faux », tandis que leurs parents vendent des pastèques sur le bord de la route.
Je passe. Le château des Hohenzollern-Sigmaringen et le monastère de Sinaia, ainsi que le château de Dracula. Pas vus non plus les lacs de montagne et les glaciers des Carpates. Champs d’éoliennes, de maïs et de blé, allées de bouleaux ou de peupliers. Route départementale 22. Asphalte crevassé. Chiens crevés et dépecés par des oiseaux rapaces. Dans les villages de Transylvanie, on découvre la vie sédentaire des Roms, sans doute des Caldéraches, cousins très lointains du peuple Nath venu il y a des siècles du désert de Thar. Les femmes en portent encore les longues jupes rouges et les boucles d’oreilles. Les hommes et les adolescents sont coiffés de larges feutres noirs qui font penser aux gardians de Camargue. Ils font les fenaisons à la faux et à la fourche, travaillent le cuivre et vendent des objets glanés ici et là. On marchande un vieux siphon en verre pour quelques lei et un paquet de biscuits pour les enfants. On les rêvait saltimbanques, musiciens, diseuses de bonne aventure ou dompteurs de chevaux, mais l’histoire du pays a laissé ces gens du voyage, ces errants de la terre sur le bord de la route. Le regard sévère, les traits durcis et l’air farouche.
Attention travaux. Déviation. Revenir en arrière, perdre du temps. La carte Allonge rapporte des kilomètres en plus. Alors on fait un crochet pour voir l’église fortifiée de Biertan.
Et puis le soir du quatrième jour, on se rend compte qu’on a fait plus de 1600 kilomètres et qu’on a déjà gagné l’étape. Alors on ralentit le rythme, on se laisse aller à flâner dans Sibiu et à boire une bière fraîche sous la lune nomade. Fin de partie.

Sibiu, samedi 20 juillet 2013

Sous les pavés…

 

sous les pavés, la plage ?

Un mois après le « nettoyage » du parc Gezi à Istanbul et les confrontations qui ont suivi, on parle de quatre morts, de trois manifestants dans le coma (deux femmes et un jeune de 16 ans), 11 personnes y auraient perdu la vue et 8 000 personnes auraient été blessées. Des policiers auraient également mis fin à leurs jours.

Or on vient d’apprendre que le parlement avait ordonné début juin l’arrêt des travaux de construction de la caserne dans le parc, une décision dont le gouvernement aurait été au courant…

Chronik eines angekündigten Chaos

Oder: Maj, es is so schen ruhig!

[in DUM 66, Das Ultimative Magazin, Juni 2013]

Dienstag, 20. September. 7 Uhr 20. Morgenjournal. Das gönne ich mir jeden Morgen zum Frühstück. Heute sehr leise. Die Oma schläft im Nebenzimmer. Ich werde doch nicht zwei Wochen lang auf das Bisserl Kultur verzichten. Zwei Wochen im Jahr die Schwiegermutter zu Hause zu haben, ist doch nicht die Welt. Sie schläft ja so viel. Bis zehn, halb elf manchmal. Und zwei Stunden Mittagsschlaf. Maj, i hob verschlafn a wengerl.

8 Uhr 30. Ich sitze vor dem Computer. Heute kümmere ich mich um Übersetzungsförderungen und, wenn noch Zeit bleibt, um den Steuerausgleich. Sage ich seit drei Wochen. Aber zuerst die Post abfragen. Keine Spams, aber jede Menge unnötige Informationen, ein russisch-englisch Übersetzerworkshop, eine Lesung in Berlin, ein Kongress in Paris, und ein Urlaubsbericht von Freunden. Mit riesigen Photos, versteht sich, die eine Zeit lang den Computer lahmlegen.

9 Uhr. Ich höre, dass die Oma aufgestanden ist. Sie hat sicher den Wecker gestellt, damit sie unseren Alltag nicht durcheinander bringt: Wegen mia miaßt ihr net… ist ihr Leitmotiv. Ich flitze in die Küche, richte ihr ihre zwei Toastscheiben mit Butter und Marmelade. Und schenke ihr den Kaffee ein. Ich erkläre, dass ich viel Arbeit habe, ihr aber beim Mittagessen Gesellschaft leisten werde.

Die Homepage des Ministeriums listet die Bedingungen für die verschiedensten Förderungen und Stipendien auf. Robert-Musil-Stipendium, Österreichischer Kinder- und Jugendbuchpreis – Geduld ist angesagt – Österreichischer Staatspreis für Kinderlyrik – was es alles gibt – Übersetzungsprämie, das könnte was sein … die Übersetzung sollte während der letzten fünf Jahre in Buchform erschienen sein, das ist es doch nicht, Reisestipendium… kann ich nicht brauchen, um eine Autorin zu übersetzen, die ihr Leben lang in Wien und Klosterneuburg verbracht hat… Mit halbem Ohr habe ich mitbekommen, dass die Oma schwimmen gegangen ist. Maj, so schen… Ihr Genuss, wenn sie bei uns ist. Es ist nicht der Traunsee, den sie gewohnt ist, aber immerhin. Im Bikini mit über neunzig. Und Badehaube, natürlich. Die sie sich selber näht aus einem Plastiksackerl von der Gemüseabteilung. Süß schaut sie aus, wie sie senkrecht schwimmt. Hundert Tempo. Ihr Ehrgeiz. Sicherheitshalber schaue ich in einer Stunde nach, wie es ihr geht. Übersetzungskostenzuschuss, das wird es sein. Kriterien und Bedingungen: Übersetzung der Werke vor allem zeitgenössischer österreichischer AutorInnen im Bereich Belletristik. Jawohl. Zeitgenössisch… meine Autorin ist zwar voriges Jahr gestorben, aber von lebendig ist hier nicht die Rede. Erforderliche Einreichungsunterlagen… einmal tief durchatmen: Förderungsantrag, Projektbeschreibung, Kalkulation, Lebenslauf und Werkverzeichnis der ÜbersetzerIn, 30 Seiten Übersetzungsproben, Originaltext, Kopie des Lizenzvertrages und des Verlagsvertrages.

Während ich Lebenslauf und Publikationsliste aktualisiere, vernehme ich, dass die Oma wieder in der Wohnung ist und sich unten fertig macht. Komische Geräusche im Vorraum. Ich versuche, aus alten Projektbeschreibungen eine für meine jetzige Übersetzung zu basteln. Inzwischen ist es fast elf geworden.

Ich gehe die Post holen. Oma sitzt tatsächlich im Vorraum vor dem Spiegel, die Füße in einem Wasserkübel und dreht sich gerade die letzten Lockenwickler in die Haare. Mariantjosef, wie schau i denn aus? Mir laßt’s koa ruah… Sie lächelt verlegen. Ich lächle freundlich zurück. Auf dem Rückweg kündige ich ihr das Mittagessen für eins an, wenn David nach Hause kommt, und heize das Rohr vor. Das lässt mir ein wenig Zeit, meine Unterlagen fertigzustellen. Wann kumt der bua hoam? Schwerhörig ist sie auch.

Unter den neuen Mails ist eine aus Berlin: Die Kollegin kündigt an, dass wir am Nachmittag unsere Texte via skype unbedingt vergleichen sollten. Das Drehbuch, das wir uns geteilt haben, bereitet keine großen Schwierigkeiten, aber die rekurrenten Ausdrücke sollten einheitlich sein. Ich bestätige eine Arbeitssession für 15 Uhr 30. Den Steuerausgleich werde ich halt auf morgen verschieben. Auf einen Tag kommt es ja nicht an.

Um 12 Uhr 30 gehe ich wieder runter. Irgendwie war es blöd, den Ofen so lange leer laufen zu lassen. Oma sitzt nun im Esszimmer und strickt. Oans, zwoa… das varsteh i net… Sie nimmt mich nicht einmal wahr. Ich schiebe eine Fertiglasagne ins Backrohr. Bereite einen Gurkensalat vor. Ich decke den Tisch und fange ein lautes Gespräch an. Selbst mit Hörgerät versteht sie nämlich nur die Hälfte von dem, was ich sage. Ich rede ja nicht Mundart. Anstrengend so ein ganzes Essen. David lacht über die Missverständnisse. Nach einiger Zeit wagt sie ein naives Maj, wie hast denn so schnö eine lasagne gebacken? Und ich gestehe, was die Alutasse ohnehin verrät. Ich denke, dass Oma mich für eine Rabenmutter hält. Wobei es viel Schlimmeres in ihrer Weltvorstellung als eine arbeitende Mutter gibt, es sind die Schlüsselkinder. Ich arbeite wenigstens zu Hause. Sie weiß natürlich nicht, dass David schon lange seinen eigenen Schlüssel hat, für die Tage, an denen ich gar nicht zu Hause bin.

Nach dem Essen hat sich Oma hingelegt, und David spielt Computer. Bald sitze ich wieder in meiner Blase, abgekapselt von der Welt. Nur noch virtuelle Kontakte, und beschäftige mich mit der unwichtigsten Sache der Welt, mit dem größten Luxus seit Menschengedenken: mit Literatur. Eigentlich bin ich eher der Meinung, es sei ein Grundbedürfnis. Was meine Nachbarn, zwei Architekten, natürlich nicht verstehen. So ein Kunstwerk ist ein Drehbuch wieder nicht. Obwohl dieses eine besonders sensible Geschichte ist. Ein road movie mit halbwüchsigen Waisenkindern aus verschiedenen Ländern, die nach einer großen Katastrophe durch ein unbekanntes Land fliehen. Ihre Sprache ist ein Jargon, den sie fließend sprechen und verstehen, da sie schon Jahre in einem Lager verbracht haben. Broken English gemischt mit ihren jeweiligen Muttersprachen und Zitaten aus Fernsehserien und Liedertexten. Ich gehe meine fünfzig Seiten durch und markiere die Stellen, die wir abstimmen müssen: vor allem Realien, ein Fahrzeug, ein paar Kleidungsstücke, ein Kassettenrekorder…

Eine Stunde später – ich telefonieren schon mit Berlin – kommt mein Mann nach Hause. Er kommt ins Arbeitszimmer mich grüßen. Mit Gesten frage ich ihn, was die Oma unten macht. Sie sitzt und strickt. Ich gehe mich ein wenig mit ihr unterhalten. Fein. Ich vertiefe mich wieder in die Arbeit. Und in das Gespräch. Am Donnerstag ist Abgabetermin…

16 Uhr 10, ich telefoniere schon seit vierzig Minuten mit Berlin. Wir sind fast durch. Das Festnetztelefon läutet. Drei Mal. Offensichtlich ist der Anruf für mich. Ich höre Schritte in der Treppe und eine männliche Stimme hinter mir ins Schnurlostelefon sagen: Die Übersetzerin spricht gerade am anderen Telefon … selbstverständlich kann sie das machen … haben Sie ihre Mail-Adresse? Schicken sie ihr die Dokumente… Ich kann nicht für sie sprechen, aber ich glaube schon, dass sie Kapazitäten frei hat… Ich schaue ihn mit großen Augen an. Er grinst schelmisch, während meine Berliner Gesprächspartnerin weiterredet: – fuck yourself! … – Pardon? Qu’est-ce que tu dis? – Qu’est-ce que tu mets pour fuck yourself! ils n’arrêtent pas de le dire. Als Antwort ertönt in den Kopfhörern eine einkommende Mailnachricht. Am Betreff Umhängung sehe ich sofort, dass es sich um Museumstexte handelt. Der Anruf von vorhin. Ich öffne die Nachricht und versuche, sie zu lesen, verliere aber den Faden des Gesprächs mit Berlin. – Qu’est-ce que tu en penses?, fragt sie mich jetzt. Wenn ich nur wüsste, wovon sie redet … ach ja, da war doch was mit ‘fucking’. – Qu’est-ce que tu mets pour ‘fuck yourself’!Connard. J’ai mis connard. Drei Word-Dokumente von je über 400 KB sind angehängt. Die Anfrage ist bis Freitag. Es ist nur machbar, wenn ich heute schon anfange. Und vielleicht bis Montag verhandle. Vom jugendlichen Slang zu den barocken Kleinbronzen und Elfenbeinreliefs ist ein ziemlicher Spagat. Also Berlin abschließen. Mailbox schließen. Unten die Situation melden. Abendessen delegieren. Digitale Wörterbücher öffnen. Wörterbuch der Kunst und Encyclopédie de l’art aus dem Regal holen. Kalten Tee einschenken. Abkapseln. Schwarzes Loch…

19 Uhr 34. Wie von der Unterwelt ertönt vom Erdgeschoss eine vertraute Stimme, die meine Seifenblase plötzlich zum Zerplatzen bringt: Das Essen ist fertig!

20 Uhr 15. Wir sitzen noch zu Tisch mit der Oma. David hat das Abendessen runtergeschluckt und den Tisch längst wieder verlassen. Er duscht. Oder liest Micky Mouse. Oder spielt wieder Computer. Mir ist alles egal. Was kümmert mich die Erziehung eines Halbwüchsigen, der ohnehin schon längst seinen eigenen Weg geht. Die Rotweinflasche ist fast leer. Ich fühle mich ziemlich ausgelaugt, aber ich habe eigentlich keinen Grund, mich zu beklagen. Ich habe mit Überflüssigem Geld verdient, ohne das Haus zu verlassen, während sich andere um das Notwendigste gekümmert haben. Und doch fühle ich mich ziemlich geleert, genervt und ausgepowert. Ich ertappe mich bei dem Wunschgedanken, einen Arbeitstag ganz ohne Verpflichtungen zu verbringen. Und der Wein, musste der unbedingt sein? Jetzt kann ich nicht mehr arbeiten. I han an rausch! Sagt man bei ihr z’haus. Ich ärgere mich über diese unnötigen Streitigkeiten, diese Genauigkeit, diese Perfektion, die mich stressen.

Und in dem Moment sagt die Oma mit einem entzückenden Lächeln: Maj, es is so schen ruhig bei eich!

In Erinnerung an Frieda Herlt [24. 3. 1914 – 14. 9. 2011]